L’idée est dans le corps avant de devenir un concept

Depuis : «  je pense donc je suis » (Descartes) nous avons développé cette croyance aujourd’hui bien ancrée que le cerveau conscient contrôle l’action du  corps. Or cette idée est partiellement juste.

corceptsIl est restrictif par exemple, de penser que le cerveau envoie des messages à la main pour la rendre active, car nous oublions trop souvent que préalablement la main a aussi souvent envoyé des messages au cerveau, que le cerveau conscient ne décode pas toujours immédiatement.
Une personne vous dit « j’ai froid, touche mes mains ! ». Ses mains sont effectivement froides. Lorsque le cerveau formule ouvertement la pensée, les mains sont déjà froides depuis longtemps, mais la personne vient seulement d'en prendre conscience. Au moment où vous prenez conscience que vous avez froid, si vous regardez votre bras et vous allez vous apercevoir que vous avez la chair de poule. Et vous aviez déjà la chair de poule avant d’avoir conscience d’avoir la chair de poule.
And so what ? ... et après ? aurez-vous tendance à dire !

Et après !
Il se  passe quelque chose de fondamental  pour les spécialistes du décodage du langage du corps.

  1. La conscience des pensées est lisible sur le corps
  2. Avant que la personne ne les ait décodées

    Donc :
     3. Dans certaines conditions, les pensées d’autrui sont identifiables sur lui avant même qu’il n’en n’ait conscience.

C’est là  l’idée du corcept : une idée est dans le corps avant de devenir un concept.

Le cerveau est préparé à penser comme il le fait par les messages corporels

Les corps ne sont pas les machines mues par le cerveau. Par voie veineuse, humorale, ils envoient sous forme chimique et électrique au cerveau les moyens de prendre les bonnes décisions. Seulement, les êtres humains ne sont pas toujours pleinement conscients des informations reçues dans les zones basales du cerveau, parce que les liens neuronaux n'émergent pas directement à la conscience. Ce qui n'empêche pas de comprendre que le corps que l'on regarde est en pleine action même s'il ne bouge pas. Et même s'il ne bouge pas il envoie au cerveau à travers son réseau de capteurs, sa perception du monde. En ce sens, faire de la synergologie c'est tenter de percevoir le sens du monde à partir du point de vue du corps.
Le corps envoie en direction des zones les plus élaborées du cerveau, ce qu'il comprend de ce qui est en train de se passer.

Ainsi nous savons aujourd'hui de manière expérimentale que des pensées plus chaleureuses émergent après l'ingestion d'une boisson chaude que l'ingestion d'une boisson froide ! Il n'y  a en apparence aucune raison à cet état de fait  surtout si nous pensons que les pensées naissent dans un coin bien hermétique du cerveau. En revanche si les informations que le corps envoie au cerveau aident l'individu à construire des pensées plus élaborées, plus homogènes, riches de plus nombreux paramètres, le fait d'ingérer une boisson chaude pourrait bien effectivement contribuer à sentir monter une chaleur bénéfique permettant de fabriquer des pensées plus chaleureuses.

Ainsi pour le synergologue, le corps qu’il regarde est en train de donner du sens à ses pensées.
Le corps préparant la pensée émergente, stimulant le raisonnement, nous pouvons dire que le corps pense avant le cerveau conscient. Ce qui renverse la causalité entre le corps et le cerveau nous amenant à dire de façon un peu abrupte mais néanmoins fondée que notre corps pense avant nous !
Vous avez compris, ce raisonnement prend Descartes à défaut et en lui appliquant sa propre division topographique du corps et du cerveau. En fait le corps à travers ses représentations est lui même placé dans le cerveau. Il n'y a pas un corps, un cerveau, et un être humain. Il s'agit de penser l'interrelation de ces catégories.

Nos pensées nous précèdent, elles sont pré-conscientes avant d'être conscientes. Elles sont inscrites sur notre corps quelques secondes avant d'émerger à la conscience et ces quelques secondes sont précieuses au synergologue qui veut comprendre.


La pré-conscience des pensées est lisible sur le corps

Le corps se met en posture d'agir bien avant que de le faire.
Prenons l'exemple de la conduite automobile :

Dans une voiture le corps du conducteur se met en position de conduite et le corps du passager en position de passager, c'est-à-dire en position atone, attendant d'être conduit.  Pour cette raison un nouveau conducteur doit souvent modifier la position du siège alors qu'un nouveau passager ne change généralement pas la position de son siège de passager. Vous noterez que le corps du conducteur est plus tonique que celui du passager. Si le corps du passager devient complètement atonique, il y a peu de chances qu'il fasse attention au feu rouge. En revanche le passager très tendu à côté du conducteur aura lui, vu le feu rouge. Le cerveau est vigilant mais le corps a besoin de se mettre en condition de conduire pour que l'être humain puisse véritablement conduire. La mémoire du corps entre en considération dans la conduite automobile.

Avant d’être formulée, mise en mots, une pensée doit d’abord se former et elle se forme avant d’être consciente. Vous vous rendez bien compte de la difficulté à faire changer de position un interlocuteur une fois qu’il a émis une opinion. Curieusement, le corps de celui qui a pris une attitude mentale rigide est lui aussi un corps rigide.
Regardez échanger deux personnes en débat. Vous noterez que celle qui change de position pour se rapprocher de l'autre aura préalablement rendu son corps moins rigide. C'est l'atonie de son corps qui lui permet de recueillir la pensée de l'autre au rythme où métaphoriquement elle accueille l'autre en elle. Il n'est sans doute pas possible que mentalement une personne change de position si elle n'a pas préalablement changé de position corporelle, c'est-à-dire si le corps n'a pas préparé le terrain pour penser autrement. On ne dit pas pour rien qu'une personne est déstabilisée. La personne déstabilisée mentalement a préalablement perdu sa stabilité corporelle.

Chez les êtres humains un système de neurones miroirs permet de comprendre ce que ressentent leurs interlocuteurs, en les regardant. A l'insu de soi une partie du cerveau se place dans la même attitude corporelle que l'autre et fait travailler certains groupes musculaires mentalement exactement comme ces groupes musculaires œuvrent physiquement chez l'interlocuteur.

Les concepts qui se construisent dans les têtes sont indissociables de corps-cepts ou corcepts proposés par le corps préalablement, et si le contexte de la communication fait sens c'est d'abord parce qu'en communication, le corps  de l'autre est corps-texte.

 

La théorisation des corcepts devrait rendre possible la connaissance des pensées de l’autre avant même que l’autre n’en n’ait conscience


Par définition le corcept est l'image-signe corporelle d'un être formée dans le cerveau de son interlocuteur et lui permettant de le comprendre. Cette image forgée dans le cerveau ne peut se transformer en corcept que si elle fait sens. Elle se doit donc d'être image-signe, d'une personne qui nous intéresse pour ce qu'elle est ou ce qu'elle fait et nous procure le désir de former son image dans notre cerveau.  La notion de corcept est donc chevillée à celle d'émotion, car c'est le fait d'être ému d'une manière ou d'une autre par l'autre qui nous amène à nous intéresser à cet autre.

NONVERBAL 15BISLes corcepts se sont formés bien avant les mots, de corps à corps entre des êtres qui ne disposaient pas encore de grammaire verbale. Les corcepts ont été notre première grammaire corporelle. Ils nous ont permis de répondre à la question « Qui es-tu ? » bien avant que la grammaire verbale nous permette de répondre à la question, « Que me dis-tu ? ». Ces images-signes  nous ont permis de savoir instinctivement si nous étions en terrain de sympathie et pouvions construire ensemble. C'est sur la base des corcepts que s'est construite notre grammaire verbale. Sans eux la grammaire verbale n'a d'ailleurs aucun sens parce qu'avant de parler à quelqu'un, il faut avoir le goût, le désir de le faire et c'est grâce aux corcepts en regardant l'autre que nous acquérons le désir de communiquer avec lui.

C'est la rupture épistémologique que le langage a fait subir à tout ce qui n'était pas le langage dès qu'il était question de compréhension de l'humain  qui nous a conduit à oublier que cette compréhension de l'autre était inscrite dans le corps lui même. Ce qui était pourtant sans doute  la seule évidence tangible avant l'apparition du langage verbal. Et qui reste la seule évidence tangible pour les bébés.

L'objet de la synergologie est de remonter le chemin vers les corcepts à partir de chaines logiques d'items corporels qui coalisés les uns aux autres permettent de retrouver l'attitude mentale par la voie rationnelle, refaire les liens que le cerveau fait naturellement à l'insu même de l'être.

On peut d'ailleurs légitimement se demander pourquoi agir rationnellement et construire la théorie des corcepts alors que les neurones miroirs effectuent eux-mêmes déjà ce travail à notre insu et nous permettent de ressentir intuitivement nos interlocuteurs ? Simplement parce que l'intuition qui monte lors du travail cérébral effectué par les neurones miroirs n'est pas consciente. A partir du moment ou nous demandons à cette intuition de nous parvenir de manière raisonnable et consciente elle devient insaisissable et prend d'autres formes, comme celles de la projection ou de l'induction. Et nous risquons bien de prendre pour du ressenti ce qui n'en sera pas. Nos croyances construisant un rideau d'opacité à notre insu.

Mais ce qui semble le plus énigmatique avec le corcept c'est cette conviction que nous pourrons comprendre notre interlocuteur et saisir la voie de sa pensée avant lui…