L’expression « non verbal » demande à être définie précisément.
Dire qu’est non verbal ce que ne sont pas les mots revient à fabriquer une définition si floue qu’elle ne peut pas être opérationnelle.

Le non verbal peut, sans difficultés, être regroupé en cinq grandes catégories de base :

  • le périverbal,
  • le para verbal,
  • l’infraverbal,
  • le supra verbal,
  • le préverbal (1)

L'identification de ces catégories permet de comprendre en outre, pourquoi plutôt que penser une science du non-verbal unique, il semble plus efficace scientifiquement de penser la réalité non verbale au croisement de disciplines diverses.

  • Le périverbal peut être considéré comme la première dimension non verbale.
    C’est l'espace et le temps dans la communication. Une discipline, la proxémique organisée autour et à partir du travail d’Edward Hall (2) en a fait son champ d'expertise à la fin des années 1960, en montrant comment les dimensions de l'espace et du temps, foncièrement culturelles structurent nos comportements à notre insu.
  • Le paraverbal comprend les sons produits lors des communications, le ton, le timbre, l' intonation de la voix.
    Les linguistes à partir du travail sur la prosodie se sont emparés de cette dimension, qui fait partie pleinement de leur champ  de compétences.NONVERBAL 3
  • L'infraverbal comprend les codes non décodables consciemment, les odeurs,  mais aussi les couleurs par exemple.
    Dès que nous parlons d'effet subliminal ou que nous évoquons les "effets d'exposition" "effets d'amorçage", nous évoquons en fait l'infraverbal. Ce terrain est de plus en plus défriché par les scientifiques, d'abord parce qu'il est démontré aujourd’hui que la réalité subliminale modifie les comportements, mais plus encore parce que toutes les études récentes procédant par IRM, montrent que ce qui est perçu comme subliminal, c'est à dire non décodable consciemment, laisse pourtant des traces cérébrales dans le cerveau capable de décoder des images qui durent moins de 1/50000 de seconde (3).
  • Le suppraverbal comprend les signes distinctifs (montres, marques...), qui sont partie intégrante du non verbal.
    Produit de choix conscients faits par l'individu, il traduisent le plus souvent sur le corps l'état des rapports sociaux, ce qui fait que cette dimension au coeur de tout travail sémiotique, éthnnologique ou anthropologique, intéresse la sociologie, la psychologie et de manière générale toutes les sciences sociales ou humaines. Des disciplines aussi pragmatiques que le marketing et la publicité ont fait des signes supraverbaux le coeur de leur expertise.
  • Enfin reste pour avoir fait le tour du non verballa dimension préverbale dont ne rendent pas vraiment compte ni l'infraverbal ni le supraverbal.
    Lorsque nous sommes en interaction, le langage corporel de l’autre est décodé préalablement à ce que nous prenions la parole à l’insu même de notre conscience, et nous construisons nos  interventions verbales sans nous en rendre compte, préalablement, pré-verbalement, si l'on peut dire.  Ces processus de décodage du langage corporel se déroulent à l'insu de la conscience, grâce à l’action pré-verbale des neurones miroirs, centrée sur le langage corporel. Cette particularité amène à distinguer infra verbal traitant toutes les données (odeurs, couleurs, formes..) et le pré-verbal prenant assise sur le langage corporel.  Le propre de la discipline synergologie est de se centrer sur les données pré-verbales. La première opération permettant de faire entrer le non verbal dans le champ scientifique consistait à produire un découpage de cette réalité en catégories opérationnelles.

Éléments annexes :

(1)    Ce texte est repris de Turchet, P. (2009). Non verbal et langage corporel, entre épistémologie et  heuristique. Revue de Synergologie, 1, 1.
(2)    Hall E-T (1971). Le Langage silencieux, Seuil, 1971. Trad de : The Silent Language, (1959) et Hall E-T (1984). La Dimension cachée, Seuil, Trad de : The Hidden Dimension, 1966).
(3)    Kirouac Gilles et Doré F.Y : Judgment of facial expressions of emotion as a function of exposure time. Perceptual and Motor skills, 57, pp.683-686. Et également parmi une abondante litérature Murphy S.T, Zajonc R.B : “Affect, cognition and awareness : Affecting priming with optimal and suboptimal stimulus exposures”. Journal of personality and Social psychology, 64, 723-739