La synergologie entre « conscience de soi », « émotion » et « langage corporel »
La compréhension de l’être humain a été révolutionnée par les technologies de résonance magnétique, une nouvelle définition de l’esprit humain est façonnée par les scientifiques. L’esprit dans la théorie de l'esprit est ce qui permet d’avoir une conscience claire et indépendante d’exister.
La conscience de soi exprime la capacité humaine à comprendre que nous pensons différemment les uns des autres, que chacun a des pensées différentes de celles de son alter égo.
La meilleure connaissance des mécanismes cérébraux permet par ailleurs de comprendre qu’il est impossible d’être parfaitement raisonnable sans émotions. Elles nous permettent selon des critères inconscients de distinguer les choses importantes de celles qui le sont moins. Certaines choses nous émeuvent, d'autres moins, d'autres pas du tout. Le corps par ses réactions nous offre la possibilité de hiérarchiser les informations.
Si l’activité de l’esprit est située dans le cerveau et si les interactions lisibles sur le corps participent à la fabrication de la raison, le langage corporel devient la voie majeure pour lire l’activité du cerveau sur le corps et la structure du langage corporel devient l'outil qui permet d'appréhender le fonctionnement de l'esprit humain.L'émotion est un mouvement Emotion est né du latin « émovéré », qui signifie : Se mouvoir.
Elle nait de chaque interaction et modifie quelque chose dans la configuration de notre visage et de notre corps. L’étymologie en soi donne des indications précises sur le chemin à suivre pour lire l’émotion : d’abord observer son mouvement, car l’émotion est un mouvement corporel... Derrière une émotion, il y a donc toujours un mouvement. Il est même sans doute à la base de l’émotion ! C’est ce qu’avait bien compris un grand psychologue de la fin du XIX ème siècle : William James. Il symbolisait le processus en prenant un exemple aujourd’hui devenu classique : « Si lors d’une promenade vous croisez un ours, pensez-vous d’abord à vous enfuir et prenez-vous conscience ensuite que vous avez peur ? ou bien alors, avez-vous peur et vous enfuyez-vous pour cette raison … ? » Dans ce débat, tout le vingtième siècle lui a donné tort en disant : Si nous avons peur nous nous enfuyons. Avançons que c’est d’ailleurs assez logique. Mais des recherches récentes montrent que la fuite est préalable et que c’est en courant que l'être humain prend conscience qu'il a peur de l’ours !
Ce mécanisme est au cœur même de la survie.
En voiture, il nous est tous arrivés de freiner avant même d’avoir pu analyser la nature du danger. Si nous avions dû attendre que notre «cerveau conscient », le néo-cortex intervienne, il aurait été trop tard. Ce sont des composantes émotionnelles qui ont fait le travail beaucoup plus rapidement. Entre l’émotion et le mouvement, nés de l’interaction, se déroule un véritable pas de deux, et nous entrons dans la danse dès la naissance, car l’amygdale est déjà préformée à la naissance.
Partir des mouvements du visage et du corps pour décrire l’interaction semble avoir tout son sens. Consciemment, nous mettons les mouvements du corps en relation avec des états psychiques. Ce que nous faisons lorsque nous disons « il pleure c’est donc qu’il est triste », ou « tu as vu comme il est fier, il bombe le torse», « Je voulais lui parler de ça… il a plissé le front, j’ai tout de suite arrêté », « en ce moment il se traine , il est épuisé »…
Si nous nous livrons à cet exercice de mise en relation d’états émotionnels ou psychiques avec les mouvements du visage et du corps c’est parce le cerveau se livre à cette opération. Nos mouvements, les informations que nous intégrons, les émotions que nous ressentons, sont des instances inter reliées dans notre cerveau. Une pensée, une émotion, un mouvement, ont des répercussions réelles aux deux autres niveaux. De la même manière que nous ne pouvons pas manger sans que forcément notre estomac travaille, que forcément il envoie des messages de bien-être à notre cerveau qui les décode et que nous en prenons conscience, nos états internes se modifient toujours à plusieurs niveaux simultanément.
Nous nous en rendons bien compte lorsque nous faisons du sport : le fait de marcher, nager, faire du vélo par exemple, ne sont qu’une somme de mouvements, mais ils déclenchent du bien-être et font souvent naître en cours ou juste après l’effort des pensées, des émotions d’un ordre différent de ce qu’elles étaient, avant d’entreprendre ces mouvements. Nos mouvements nous ont changés, en quelque sorte.
Longtemps nous avons cru que le cerveau pilotait le corps, lorsque nous éprouvions des émotions, mais nous savons aujourd’hui que le processus est plutôt interactif. Le corps ne fait pas que réagir aux messages envoyés par le cerveau. Il envoie, lui aussi, des messages émotionnels transitant par le tronc cérébral, à destination du cerveau. C’est si vrai que lors d’accidents, les malades empêchés d’envoyer des informations corporelles au cerveau, ressentent également moins d’émotions.
Le travail du synergologue est ainsi en quelque sorte d'observer le mouvement, de le qualifier, et lui donner du sens.
L'émotion est déterminée par des constantes non verbales
Le travail sur les émotions se heurte à une difficulté propre aux émotions elles-mêmes. Comme il suffit de regarder son interlocuteur pour s’assurer de leur présence, chacun pense savoir les décoder. Alors qu’il existe un décalage important entre nos capacités inconscientes qui sont énormes, sans limites disent certains, et nos capacités conscientes qui sont beaucoup plus limitées.
Nous nous trompons sur les émotions que nous ressentons et notre capacité à les décoder consciemment chez les autres est négligeable par rapport à ce qu’elle pourrait être. Il faut apprendre à observer.
La lecture des émotions contraint à se débarrasser d’une croyance commune : Il ne faut pas observer pour apprendre, il faut apprendre pour observer. Nous ne verrons jamais si nous ne savons pas quoi regarder. Apprendre à observer une émotion sera d’autant plus facile que nous saurons comment elle se construit.
Un souci d’efficacité nous conduira à ne pas distinguer entre des états aussi différents qu’affect, état d’âme, sentiment, pulsion, état psychique, humeur, voire même programme comportemental… et émotion !
Derrière le fait par exemple qu’un être humain soit en colère, en rage, exaspéré, agressif par exemple ou seulement irrité, des constantes générales non-verbales communes se profilent toujours. Les émotions seront donc définies à partir de leurs constantes non-verbales.
Le regroupement de constantes non-verbales communes nous permettant de fabriquer des catégories émotionnelles.
Nous commencerons tous alors à parler de la même chose.
Les émotions sont paradoxales, elles permettent de cacher nos émotions !
Le paradoxe des émotions c’est qu’elles nous permettent de cacher nos émotions ! c’est un comble. En fait, pour utiliser une métaphore, les émotions agissent à l’occasion selon le même mécanisme que les produits dopants chez les sportifs !
Que faire pour qu’un produit illicite soit rendu non décelable, lors de contrôles anti-dopants ? On le masque à l’aide d’un autre produit ! Le même phénomène a lieu avec les émotions que l’on cherche à cacher. Comment faire pour cacher une émotion ? Il s’agit simplement de plaquer sur elle une autre émotion !
Les non-dits sont petits ou gros. Mais derrière des états différents, tous les non-dits sont régis par les mêmes règles. Il y a toujours ce que nous disons d’un côté et ce que nous montrons, de l’autre côté. Ce que nous disons, traduit l’émotion à laquelle nous cherchons à faire adhérer notre auditoire en nous accompagnant du discours. Ce que nous ressentons, c’est l’émotion sous jacente, celle que nous ressentons réellement. Chaque fois que l’émotion sous jacente est de même nature que l’émotion sur jacente la personne est pleinement authentique. En revanche si l’émotion sous jacente est de nature différente de l’émotion sur jacente, il y a un décalage… et c’est la lecture de ce décalage qui va nous intéresser.
Plutôt que de parler de mensonge lorsque la relation n'est pas pleinement authentique, nous parlerons plutôt de non-dit. Pour décoder ces non-dits, il faudra préalablement se demander dans quelle attitude mentale se trouve la personne placée en situation de cacher ce qu'elle pense. La personne persuadée qu'elle est plus maligne que l'autre ne se comportera pas comme celle qui est persuadée que son mensonge va être découvert. Elles ne livreront pas les mêmes items ou plutôt pas les mêmes chaines logiques d'items, pour employer un langage synergologique. Enfin ces deux personnes ne se comporteront pas comme la personne vigilante qui communiquera le moins possible pour ne pas se désavouer.
Trois types d'attitudes mentales pour trois types de non-dits. Il ne faut pas non plus négliger le fait que la personne estimant le non-dit nécessaire trouvera un aplomb pour cacher la vérité, bien supérieur à celle qui se sent coupable de le faire. C'est pour remédier à ces difficultés méthodologiques liées à la nature de la relation humaine que la synergologie développe ses concepts autour d'une théorie de la relation.
C'est également une autre manière de dire que la synergologie ne peut pas être enfermée dans un lexique corporel strict.
Les perceptions des émotions selon les écoles
« L'émotion tout le monde sait ce dont il s'agit jusqu'au moment de la définir » J. Le Doux.
Les émotions ont un statut différent et sont abordées de façon non moins différente selon les chercheurs et les écoles qui les considèrent.
La conception d'un certain nombre d'émotions primaires ne fait pas consensus dans la communauté scientifique (Belzung, 2007). Il n'y a d'ailleurs pas de consensus sur la notion même d'émotion , ni même d'ailleurs sur celle de système limbique dans laquelle se trouveraient les émotions (Ledoux, 2005) !
C'est pour éviter d'entrer dans ce type de débat que la synergologie ne parle pas d'émotions mais d'états corporels et qu'elle qualifie huit groupes d'états corporels qualificatifs de huit grands groupes émotionnels.
Car il faut comprendre que l'émotion est d'abord un état corporel (James, 1898).
Pour certains chercheurs les émotions sont des réponses corporelles qui ont permis à la race humaine de s’adapter au cours de la vie. Darwin C (1872). Ces chercheurs se distinguent autour de deux positions : ceux pour qui les émotions sont universelles, Cf Ekman. P (1993) Eibl Eibesfeldt I (1976)....et ceux pour qui elles résultent de représentations mentales Izard (1971), Doï.T. (1988).
Pour d'autres, elles sont un construit social, des codes appris intégrés depuis l'enfance nous permettant de socialiser, communiquer ensemble, c’est la position socio-constructiviste : Brunner.J., (1991). Vygotski. L.,(1992). Fehr F.S.,( 1984).
D’autres groupes de réflexions partent d’une argumentation plus physiologiste : pour les uns les émotions sont des états mentaux résultant de la perception par le cerveau des réactions corporelles; James W (1884) (Ils rejoignent le camp universaliste) pour les autres tout part d’abord du cerveau. Cannon W.B : (1929) (Il rejoignent le camp cognitiviste autour de la théorie des représentations mentales).
Une fois posée, tranchée cette série de questions se pose une autre série de questions : la question incontournable de l’inconscient imposée par Freud dans les sciences. Est-ce que des forces inconscientes ne pourraient pas déclencher les émotions ? Zajonc. R :(1984). Mais là non plus les choses ne sont pas toutes simples car si pour certains l’inconscient est au cœur de la psyché et ne peut pas être connu, notamment Amaral et all, (1992) Scherrer(1995) LeDoux (2005) .. pour d’autres comme Magda Arnold (1960) il est possible de faire émerger à la conscience les forces inconscientes.
Nous sommes pour notre part certains qu'un consensus peut être obtenu autour de l'émotion à partir du moment où il est admis que l'émotion est fondamentalement un état corporel et qu'elle peut donc être appréhendée par l'observation.
Pour la synergologie, ce n'est pas l'émotion qui est universelle, c'est un mauvais débat, c'est l'état corporel qui la fonde.
Universellement chaque être humain connait forcément :
- Un état hypertonique ou un état hypotonique
- Un état à valence positive ou négative
- Un état gardé pour soi ou tourné vers l'autre...
Et des items corporels peuvent très bien montrer tout ca...
Pensées binaires et émotions
Le plus souvent nos pensées sont binaires, nous choisissons ceci plutôt que cela. Sans les émotions pour guider nos choix, nous serions peut être incapables de choisir.
Nous pensons de façon binaire pour une raison pratique : nous ne pouvons pas faire deux choses en même temps. Il nous faut choisir ceci ou cela, ceci plutôt que cela, ceci avant cela ou ceci après cela... Devant le croisement de deux routes en voiture, il nous faut prendre une décision. Et nous accordons nos vies au principe de cette réalité physique. D’ailleurs, il nous est tous arrivés de penser qu’à certains carrefours de la vie : il faut choisir !
Lorsque nous faisons des gestes, nous pouvons très bien désigner deux objets ou valeurs au même endroit, mais nous avons tendance à les placer l’un à côté de l’autre, l’un plus à droite ou plus à gauche que l’autre.
Regardez les gens faire autour de vous. Ils ne vous diront jamais : « pendant nos vacances nous sommes allés à Paris et Florence » en faisant le geste exactement au même endroit.
Les émotions et les valeurs s’entrelacent. Nous hiérarchisons sans cesse entre les choses importantes et celles qui le sont moins, entre ce que nous aimons et ce que nous aimons moins, ce qui permet dans les moments cruciaux de prendre les bonnes décisions. Nous prenons nos décisions sur des critères émotionnels. Dans ce contexte, tous les mots que nous employons sont chargés émotionnellement, même les plus neutres. (Antonio Damasio parle de marqueurs somatiques. (Cf Damasio A.R. et all (1991).
L’expérience que nous avons de chaque chose se charge d’émotion. Les choses ont une saveur, non pas parce qu’elles sont poétiques mais parce que c’est une question de survie. Si nous évoquons deux choses en même temps nous faisons deux gestes dans deux endroits distincts de l’espace et privilégions, préférons une réalité par rapport à une autre.
Nous choisissons, hiérarchisons pour survivre et notre langage corporel se fait traduction dans l'espace de cette réalité.