La question se trouve posée : Est-il vraiment nécessaire de fonder une discipline autour du langage corporel ?
langage corporel objet scientifiqueCar après tout, le langage corporel est abondamment observé à commencer par des disciplines déjà prestigieuses, la médecine par exemple. Le premier réflexe du médecin n'est-il pas d'observer son patient d'un point de vue corporel , le premier réflexe de l'ethnologue d'observer un peuple à travers ses diverses composantes individuelles corporelles, d'un psychologue de comprendre son client à partir de comportements corporels atypiques dont il cherche à restituer la logique….?
Bref, pourquoi faire du traitement du langage corporel, l'objet d'une discipline à part entière ?

Si le langage corporel est pris en compte par toutes les disciplines relevant des sciences humaines, aucune d'entre elles n'en n'a fait l'objet propre de sa discipline, parce que pour toutes les sciences humaines, le langage corporel sert d'appui pour parler d'autre chose. Pour le médecin le geste (au sens large) est un symptôme, pour l'ethnologue il est l'expression d'un rituel, pour le psychologue, un épiphénomène. En fait dans toutes ces disciplines, le geste n'a jamais de raison d'être pour lui-même. Parce que pour toutes les disciplines, le geste intéresse le chercheur dans sa dimension co-verbale. Il n'est intéressant que dans la mesure où il permet d'éclairer l'objet de la réflexion qui n'est jamais le geste lui-même. Or la dimension co-verbale du geste est très loin d'être la plus intéressante.

Parce que le geste n'est pas que co-verbal il est d'abord et avant tout pré-verbal, il est sept fois préverbal ( !)

  1. D'un point de vue anthropologique, dans l'histoire le geste a précédé la parole. L'aire verbale (aire de Broca) est née sur le siège d'une partie de aire gestuelle. Le mot est né du geste en quelque sorte. Et en interaction le geste continue à précéder le mot. Le geste est préverbal et non conscient.
  2. D'un point de vue ethnologique, tous les peuples ne bougent pas tous de la même manière. Les émotions n'ont pas partout le même statut et l'expansivité prend des formes différentes d'une culture à une autre, d'un sexe à un autre selon les cultures. C'est une deuxième dimension gestuelle pré-verbale et non consciente.
  3. D'un point de vue individuel. La dynamique gestuelle de deux enfants issus de mêmes parents est différente. Ils ne bougent pas de la même façon qu'ils parlent ou ne parlent pas. Le geste est pré-verbal et non conscient.
  4. Le corps précède la pensée ( !), parfois de plusieurs secondes dans l'acte de communication. Une personne peut bouger sur une chaise et se mettre en retrait bien avant de prendre effectivement conscience qu'elle n'est pas d'accord avec son interlocuteur. La pensée négative en gestation était déjà présente dans des aires infra cérébrales interconnectées avec le corps et son langage. Le geste est préverbal et préconscient
  5. Le corps prépare la parole dans le geste d'engramme. Parfois le corps bouge pour faciliter l'accès à certains mots. On parle de dimension d'engramme du geste. Le geste est préverbal.
  6. Le geste réflexe précède l'acte de conscience. Le réflexe s'amorce avant que nous n'ayons conscience du danger. (Exemple : lorsque nous appuyons par réflexe sur la pédale de frein de la voiture). La situation a été analysée en dehors du contrôle de notre conscience. Le geste est préverbal et préconscient
  7. Le geste précède la parole dans le geste d'amorçage. Il permet à la parole de s'amorcer, moins d'une seconde avant que la personne ne parle. C'est la septième dimension préverbale. Le geste est préverbal et préconscient

langage corporel2Les différentes voies préverbales du gestes permettent de comprendre que :

a. Il est possible de se comprendre sans se parler
b. Il est possible de penser sans l'aide du langage verbal
c. Si le corps se met en interaction avant que la personne n'ait la pleine conscience d'agir

Et s'il nous arrive de penser sans passer par les mots, dans ces conditions aborder l'être humain par le canal du langage corporel, pour le comprendre semble incontournable, et une réflexion entreprise sous cette forme, différente de ce que nous ont proposé les sciences humaines jusque là. L'objet autonome « langage corporel » était nécessairement susceptible de voir fonder autour de son observation, une discipline scientifique nouvelle.